Page:Sand - Valvèdre.djvu/70

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n’avais certes pas faim. Je ne lui parlai pas de Moserwald, craignant de trahir ma jalousie.

— Mets-toi à table, me dit-il, il me faut absolument un quart d’heure pour arranger quelques plantes fontinales extrêmement délicates que je rapporte.

Il me quitta, et Antoine me servit mon repas, disant qu’il connaissait les quarts d’heure d’Obernay déballant son butin de botaniste, et que ce n’était pas une raison pour me faire manger un rôti desséché. J’étais à peine assis, que Moserwald parut, s’écria qu’il était charmé de ne pas souper seul, et ordonna à notre hôte de le servir vis-à-vis de moi, ceci sans m’en demander aucunement la permission. Cette familiarité, qui m’eût diverti dans une autre situation d’esprit, me parut intolérable, et j’allais le lui faire entendre quand, la curiosité dominant toutes mes autres angoisses, je résolus de me contenir et de le faire parler. C’était une curiosité douloureuse et indignée ; mais je fus stoïque, et, d’un air tout à fait dégagé, je lui demandai s’il avait réussi à voir madame de Valvèdre.

— Non, répondit-il en se frottant les mains ; mais je la verrai tantôt avec vous, dans une heure.

— Ah ! vraiment ?

— Cela vous étonne ? C’est pourtant bien simple. Ma figure et ma voix étaient déjà connues de la belle-sœur, qui m’avait remarqué à Varallo. Oh ! je dis cela sans fatuité, je n’ai pas de prétention de ce côté-là. Je note qu’elle m’avait remarqué avant-hier en passant dans ce village où nous nous croisions. Eh bien, nous