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pharmacien et jeune fille pauvre.

brave et honnête qui se contentât, pour toute dot, de ses hautes vertus, de sa jeunesse et du savoir qu’elle apportait aux choses de l’esprit et du ménage.

Juliette, chaque jour, scrutait l’horizon, espérant apercevoir, monté sur un coursier rapide, le héros de ses songes ; mais, comme sœur Anne, elle ne voyait rien que l’herbe qui verdoie et la poussière qui poudroie ; et cela parce que, d’ordinaire, les Roméo fréquentent le monde, les bals et les fêtes, tandis qu’elle, pauvre seulette, ne quittait point le logis où ses devoirs auprès du vieux père la retenaient ; et, quoiqu’elle aimât tendrement le père, il lui arrivait parfois, après avoir beaucoup soupiré, de pleurer un peu ; et alors elle envoyait ses larmes toutes chaudes à une sienne cousine qui se désespérait de ne pouvoir les sécher assez vite.

Dans le même temps, vivait non loin de là un jeune et loyal garçon ; la Destinée, clémente, lui avait donné en partage l’intelligence, un cœur délicat et une certaine richesse. Il vivait dans une maison qui lui appartenait, et pouvait, comme le sage, s’estimer heureux, car, le jour, il travaillait, et le soir, la conscience en paix, il jouissait de l’ombrage de ses arbres, en contemplant dans le lointain la fraîche rivière qui se dorait aux rayons du soleil.