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Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/232

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la femme.

bavardage a pris, sans qu’il y paraisse, la peine de penser ; sans quoi, elle ne ferait qu’une jacasse insupportable à tous.

La bonne bavarde parle, il est vrai, et même beaucoup, mais point à tort et à travers. Elle sait, par exemple, que les histoires interminables de ses démêlés avec la cuisinière n’intéressent aucunement son mari, et elle a soin de les éviter : elle sait également que les ragots sont odieux dans la bouche d’une femme bien élevée et les abandonne à qui veut les ramasser. Si, toutefois, elle en recueille un qui lui paraisse divertissant, elle ne le répète qu’avec la conviction de ne nuire à personne. Elle n’ignore point qu’il y a danger à laisser circuler certaines confidences et se hâte d’enfouir, dans le fond de sa mémoire, toutes celles qui doivent demeurer secrètes. Elle médit le moins possible du prochain, parce que son expérience la convainc que les succès faciles, obtenus en soulignant le ridicule d’autrui, tournent toujours à la confusion de leur auteur.

Et comme, cependant, il faut un aliment au bavardage de la bavarde, elle est obligée, pour discerner parmi les choses qu’elle doit taire ou révéler, de « s’entretenir avec soi-même ». Car, ayant retiré de son vocable les commérages, les délits domestiques et les récriminations conju-