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Il est faux que les banques multiples aient la vertu de prévenir les crises. Ce serait un bienfait qui leur vaudrait une supériorité incontestable sur les banques uniques ; mais leur pouvoir ne saurait aller jusque-là, quelque bonne volonté qu’elles y missent. Dépend-il d’elles de neutraliser les causes générales d’où proviennent cesperturbations ; de régler les entreprises et les spéculations, de commander au cours du change, d’arrêter les exportations de numéraire ? Tout ce qu’elles peuvent faire est de s’arranger pour sortir saines et sauves de la tourmente. Dire que, lorsqu’une banque unique commet une méprise, le pays tout entier est frappé au cœur et que la banque y trouvedu profit, c’est exagérer singulièrement les choses. Le monopole n’est pas infaillible ; heureusement, lorsqu’il se trompe, le pays n’en éprouve pas un effet aussi calamiteux. Les banques uniques n’ont pas une omnipotence qui empêche d’arrêter ou de corriger des mesures mal entendues, comme Horn le supposait. L’autorité a généralement auprès d’elles un représentant chargé d’exercer un contrôle sur les actes de la direction, et il ne s’y en passe pas un sans que cet agent y donne son assentiment. Lorsque la distribution du crédit vient a être modifiée au détriment du public, il ne manque pas de s’élever de vives réclamations auxquelles il ne serait pas prudent de fermer l’oreille. Les Banques de France et d’Angleterre ont autour d’elles des établissements de crédit assez puissants pour leur donner à réfléchir avant d’agir et pour profiter des fautes qu’elles commettraient.

Quand Horn reprochait aux banques privilégiées de se soustraire aux suites de leurs imprudences en faisant établir le cours forcé, il leur appliquait à faux la responsabilité de cet expédient. Généralement, c’est par le fait des gouvernements ou par suite de leurs actes que le cours forcé arrive. Les banques ne l’appellent point, elles le subissent. C’est 1 à faux aussi que Horn les accusait de mettre d’autant moins d’empressement à sortir de c cet état anormal qu’elles en tirent duprofit. i Lorsque le cours forcé se prolonge, c’est par il le fait des gouvernements, comme lorsqu’il n s’établit ; les années d’activité ne donnentpas c de moins gros dividendes que les années de c crise.

Les banques uniques ne sont pas absolument maîtresses de grossir à leur gré leurs ti profits si elles voulaient vendre leur crédit «  et leur argent plus cher qu’ils ne vaudraient, à beaucoup d’autorité. Il faut d’ailleurs observer que la crise p de f 889 à Paris a été provoquée par une banque libre ne jouissant pas de la faculté d’émission. lue les banques multiples aient elles en vendraient moins. Elles n’ont elles en vendraient moins. Elles n’ont pas plus d’intérêt que les banques multiples à exagérer le taux de l’escompte. « Pourquoi, disait Rossi, voudraient-elles n’escompter qu’un million à cinq pour cent lorsqu’elles pourraient escompter deux millions à trois ou quatre pour cent ! » On a fait observer aussi que la banque qui élève le taux de l’escompte empêche des affaires de s’engager il s’ensuit une baisse dans le mouvement commercialetindustriel ; en conséquence, la banque

perd alors ce qu’elle a pu gagner sur la hausse de l’escompte.

Avec des banques multiples, il ne peut être aussi facile qu’avec des banques uniques de restreindre la circuiation fiduciaire, dès l’instant que le cours du change signale la nécessité de le faire. Une banque ne peut guère prendre l’initiative d’une hausse du taux de l’escompte pendant que les autres ne suivraient pas son exemple ; elle risquerait d’être délaissée par sa clientèle. Si au contraire elles agissent toutes de concert et en même temps, le public ne trouve pas chez elles un traitement plus favorable que chez une banque unique. Mais il n’est pas démontré, et il ne saurait l’être, que les banques multiples soient plus capables que les banques privilégiées d’amener des crises par des émissions abusives. Non seulement il ne leur est pas possible d’émettre plus de billets que la situation du marché n’en comporte, ainsi que nous l’avons déjà fait observer ; mais en outre les billets de banque né forment qu’une faible fraction de la circulation fiduciaire ; les effets de commerce, lettres dé change, billets de banquiers, chèques, y entrent pour une quantité beaucoup plus considérable. Or, « c’est là, comme l’a dit M. Juglar, qu’on peut trouver l’exagération quand, les promesses de payer arrivées à échéance sans que la vente des produits ait eu lieu ou que les rentrées se soient faites, on se tourne vers les banques et qu’on s’attaque à l’encaisse métallique. Ce sont ces engagements qui, pour la plupart, ne pouvant être admis par les banques, causent les suspensions de payement, les liquidations forcées, les faillites, en un mot lé cortège ordinaire des crises’. » Parmi tous ces titres, il y a la foule des billets de complaisance contre laquelle il est plus difficile au public de se mettre en garde que contre les émissions de billets au porteur, parce qu’il ne peut jamais savoir quelle est la quantité en circulation, ni quelle en est la valeur. « Il s’en glisse d’abord pour une faible somme à la faveur de noms recommandables, puis pour une somme plus forte, et enfin, lorsque t. Dictionnaire d’économie politique 1re édition, v° Crises.