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blées, le refus de l’impôt est un acte de rébellion c’est la prétention de ne pas payer sa part dans des frais généraux dont on a profité avec les autres, c’est la négation d’une dette véritable.

Le refus du budget par les Assemblées, refus qui délie les contribuables de l’obligation de payer l’impôt, a un caractère tout différent. Il suppose la rupture du contrat qui lie la nation à son gouvernement. Le mandat repose sur la confiance ; celle-ci ayant cessé d’exister, le mandat prend fin. Le budget demeure obligatoire pendant la période pour laquelle il a été consenti. Mais, cette période expirée, les représentants de la nation ont le droit de refuser à un pouvoir qui veut s’imposer par la force les moyens d’administrer la chose publique. La rébellion est alors du côté du pouvoir et le budget devient la suprême garantie des libertés civiques. Mais le refus du budget est une redoutable extrémité, une ultima ratio, à laquelle les Assemblées ne doivent recourir qu’en désespoir de cause, pour décourager des entreprises tyranniques ayant pour but de faire prévaloir contre la volonté de la nation entière la volonté d’un seul ou de quelques-uns.

Tout ce qui vient d’être dit s’applique plus spécialement aux pays centralisés. Dans les États fédératifs, le budget commun est alimenté en partie par des impôts directement perçus sur les contribuables, en partie par des prélèvements opérés sur le budget de chacun des pays confédérés. Ces prélèvements ont reçu en Allemagne et en Autriche-Hongrie le nom de contributions matriculaires. L’obligation pour chaque État de verser sa part contributive résulte du traité qui l’a fait entrer dans l’alliance ou la fédération. . Obligations de l’État en matière de recettes ; nécessité du vote de l’impôt. Concussion. Recouvrement. Impôts de répartition et de quotité. Égalité de l’impôt. Les obligations que le budget crée à l’État sont de diverse nature. Les unes se rapportent au recouvrement des recettes, les autres à la réalisation des dépenses.

En matière de recettes, son premier devoir est de ne percevoir que les revenus et impôts prévus au budget. Un gouvernement qui essaye de se passer du consentement des Chambres pour lever des taxes ou contributions est concussionnaire et ceux de ses agents qui participent à l’exécution de ses ordres le deviennent avec lui. On peut toutefois citer des exemples d’impôts qui ont été recouvrés et de budgets entiers qui ont été exécutés sans l’assentiment des pouvoirs électifs. Le fait le plus marquant à cet égard est celui qui a signalé les débuts de M. de Bismarck comme premier ministre de Prusse. La Chambre des députés se refusant à voter les crédits qui lui étaient demandés pour l’armée, le gouvernement se contenta de l’assentiment de la Chambre des Seigneurs et pendant quatre années de suite, de 1862 à 1865, arrêta les budgets par de simples ordonnances royales. En France, dans les dernières années du premier Empire, au plus fort de la lutte contre l’Europe, ce sont des décrets qui ont établi les budgets de 1812 et de 1814 et augmenté les impôts votés pour 1813. C’est également un décret qui a créé le budget de 1852. Mais ce dernier décret, rendu le i mars sous la période dictatoriale qui a suivi le 2 décembre 1851, a toujours été considéré comme ayant force de loi et quelques-unes de ses dispositions relatives au régime des boissons sont encore en vigueur.

L’interdiction de percevoir des impôts non votés est garantie en France, d’une part par l’article 174 du Code pénal, qui édicte contre le crime de concussion la peine de la réclusion ou de l’emprisonnement, d’autre part, par une disposition reproduite à la fin de toutes les lois de finances et conçue en ces termes « Toutes contributions directes et indirectes autres que celles autorisées par les lois de finances de l’exercice. à quelque titre et sous quelque dénomination qu’elles se perçoivent, sont formellement interdites, à peine, contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs et ceux qui en feraient le recouvrement, d’être poursuivis comme concussionnaires, sans préjudice de l’action en répétition, pendant trois années contre tous receveurs, percepteurs ou individus qui auraient fait la perception ».

Lorsque l’impôt a été autorisé par la loi, c’est au pouvoir exécutif qu’il appartient d’en opérer le recouvrement. Cette obligation peut prendre deux formes différentes. Il existe une catégorie d’impôts dont le produit total est rigoureusement déterminé à l’avance par le budget : ce sont les impôts dits de répartition. Le devoir de l’État est, après avoir partagé aussi équitablement que possible le montant de ces impôts d’abord entre les départements ou provinces, puis entre les communes et entre les particuliers, d’en assurer la rentrée exacte dans les caisses du Trésor. Les autres impôts sont dénommés impôts de quotité ; en ce qui les concerne, le budget se réfère à des lois générales et autorise le gouvernement à percevoir les tarifs en vigueur. Ses prévisions n’ont alors aucun caractère obligatoire ce ne sont que des évaluations plus ou moins exactes et nous aurons