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à revenir sur les procédés de calcul qui servent à les déterminer. Le seul devoir de l’État, en ce qui concerne ces impôts, est d’appliquerindistinctement à tous, sans exemption ni faveur, les tarifs édictés par la loi. Cette obligation, qui résulte du principe de l’égalité de l’impôt, trouve parfois sa sanction dans des textes positifs, tels que l’article 59 de la fameuse loi du 22 frimaire an VII sur les droits d’enregistrement. « Aucune autorité publique, ni la régie, ni ses préposés ne peuvent accorder de remise ou de modération des droits. ni en suspendre ou en faire suspendre le recouvrement, sans en devenir personnellement responsables. »

. Obligations de l’État en matière de dépenses. Crédits. Spécialité dans le temps et dans l’objet. Législation par voie budgétaire. Virements. Caractère impératif des prévisions du budget.

En ce qui concerne les dépenses, les prévisions inscritesau budget sontavant toutrestrictives. Non seulement le gouvernement ne peut pas dépenser au delà de la somme qui lui est allouée en bloc, mais cette somme elle-même n’est pas considérée, au moins de nos jours, comme constituant une sorte d’abonnement moyennant lequel l’État se chargerait de l’ensemble des services publics. Le budget règle avec précision la destination que doivent recevoir les sommes levées sur la nation. Le gouvernement ne doit pas les détourner de l’emploi déterminé auquel le vote des Chambres les a affectées. C’est là ce qu’on appelle le principe de la spécialité qui a été l’objet de si nombreuses et de si vives discussions.

A l’ouverture des États généraux, Necker paraissait croire que les exigences de l’Assemblée n’iraient. pas au delà du droit de voter les impôts. Cette illusion, bien vite emportée par le courant révolutionnaire, reparut un instant aux premiers jours de la Restauration et son influence se retrouve dans les rédactions des articles 17 et 48 de la Charte’. Mais elle ne tarda pas à se dissiper encore, grâce à l’influence du baron Louis qui, prenant sur lui de suppléer à l’obscurité du texte constitutionnel, dit aux députés de 1814 « Votre fonction première sera de reconnaître l’étendue des besoins du budget de l’État et d’en fixer la somme. Votre attention se portera ensuite sur la détermination des moyens. Les éléments dont la réunion forme i. ART. 17. La proposition de la loi est portée, au gré du roi, à la Chambre des pairs ou à celle des députés, excepté la loi de l’impôt, qui doit être adressée d’abord à la Chambre des députés.

ART. 48. Aucun impôt ne peut être établi ni perçu s’il n’a été consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi.

ur les procédés de calcul qui ser- le montant des crédits ministériels sei déterminer. Le seul devoir de soumis à votre vérification ». le montant des crédits ministériels seront soumis à votre vérification ».

Le droit de voter les dépenses était ainsi définitivement consacré il devàit entraîner, par voie de conséquence, le principe de la spécialité des crédits.

Il existe deux sortes de spécialités la spécialité dans le temps et la spécialité dans l’objet.

La spécialité dans le temps est ce qu’on appelle la spécialité par exercice. « Le budget, ainsi qu’on l’a fait remarquer, établit une spécialité dans l’abonnement ; fût-il voté en bloc et sans aucune division, ou fût-il voté pour dix ans de suite, comme il l’a été en Belgique et en Hollande après 1815, il limite le temps pendant lequel le prince entreprend à forfait de gérer la fortune publique. La spécialité devient plus précise quand, même avec le vote d’un budget sans divisions, le budget cesse d’être biennal, triennal ou décennal et quand la spécialité d’exercice interdit d’étendre les recettes et les dépenses d’une année à une autre 1». La spécialité par exercice date en France de l’ordonnance du 14 septembre 1822.

La spécialité dans l’objet crée dans la dépense totale une série de divisions à chacune desquelles correspond un crédit distinct. Le gouvernement, lié par ces divisions, ne peut faire aucune dépense pour un service auquel il n’aurait pas été ouvert de crédit ; et de plus, il doit renfermer la dépense de chaque service dans les limites qui lui ont été tracées par le vote des Chambres. Si, au cours de l’exécution du budget, il surgit un besoin qui n’a pu être prévu à l’époque de son établissement, le gouvernement doit solliciter un crédit extraordinaire ; si la dotation d’un service devient insuffisante, il doit solliciter un crédit supplémentaire. Ce n’est qu’en cas d’urgence et dans l’intervalle des sessions parlementaires que ces deux sortes de crédits peuvent être ouverts par des actes administratifs. Encore ces actes doivent-ils, dès la réunion des Chambres, recevoir la sanction de la loi. « La spécialité, disait Royer-Collard, dans son mémorable discours de 1822, est moins encore une question de principe qu’une affaire de probité Le consentement général de la Chambre se décompose en autant de consentements particuliers qu’il y a de dépenses. Il y a autant de dépenses distinctes qu’il y a de services différents. L’obligation d’un service emporte la supposition que ce service sera fait, celui-là et non un autre ; et la réciprocité de ces deux 1. P. Boiteau, Dictionnaire des finances, article BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT, p. 611. Il s’agit ici, bien entendu, de l’année considérée dans son individualité financière.