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BUDGET 248 BUDGET

« Dans un pays bien administré, disait M. Thiers dans son discours du 3 juillet 1868, une seule chose est sincère, utile, profitable, c’est d’avoir un seul budget, d’avoir dans un seul tableau toutes les dépenses de l’État, dans un seul autre, toutes ses recettes. Alors on sait quelle est la situation ; alors le public la comprend facilement et immédiatement, sans qu’il soit possible de faire illusion à personne ». Et, dans le même discours, il ajoutait « L’unité, c’est la lumière ». . Défaut d’unité sous l’Ancien Régime. L’Ancien Régime n’a pas plus connu l’unité financière que l’unité administrative. Une déclaration royale, rendue sous le ministère de Necker le 17 octobre 1779, deux ans avant le fameux compte rendu dont elle n’était que la préface, contient l’aveu de tous les embarras qui résultaient de cette situation. Nous avons déjà cité un article de cette déclaration ; nous croyons devoir reproduire ici, malgré leur étendue, les principaux passages de son préambule.

« Louis, etc.—Persuadé que la méthode et la comptabilité sont un des moyens les plus propres à entretenir l’ordre et la règle dans la manutention des finances, nous nous sommes occupé de cet important objet et nous n’avons pu voir sans peine que le tableau de nos revenus et de nos dépenses n’était jamais que le résultat de recherches et de connaissances éparses, rassemblées sous nos yeux par le ministre des finances ; ce qui faisait dépendre de l’intelligence et de l’exactitude d’un seul homme la connaissance la plus intéressante pour nos plans et nos déterminations que le défaut de cette constitution provenait essentiellement de ce que les registres et les comptes de notre trésor royal, où l’on devrait naturellement trouver le détail exact de l’universalité de nos recettes et de nos dépenses, ne présentaient à cet égard que des connaissances insuffisantes et des renseignements incomplets ; qu’une partie des impositions n’y était ni versée, ni même connue ; et que plusieurs sortes de dépenses étant acquittées habituellement par diverses caisses, il n’en existait non plus aucune trace au Trésor royal ; que cependant les dépôts de la Chambre des comptes ne pouvaient suppléer aux vices de ces dispositions, non seulement parce que ce n’est qu’au bout d’un d’un très grand nombre d’années que tous les comptes particuliers sont rendus et apurés ; mais encore parce qu’étant divisés entre toutes les Chambres des comptes de notre royaume, ce ne serait que par l’effet d’un travail immense qu’on parviendrait à former des résultats ; et ce travail, toujours trop tardif et confus, ne serait jamais utile. Nous avons donc senti de quel avantage il serait, et pour nous et pour nos successeurs, d’établir une forme de comptabilité qui fit passer au Trésor royal toutes les recettes et tous les payements. de manière qu’en ouvrant les registres du Trésor royal on pût voir clairement le rapport exact entre les dépenses et les revenus.

« Nous ne pouvons nous dissimuler que cette méthode si utile et si importante rendra bien moins secret l’état desfinances ; qu’ainsi c’est une obligation de plus que nous contractons d’entretenir une constante harmonie entre nos revenus et nos dépenses ordinaires, puisque c’est là le fondement du crédit et l’appui de la confiance. »

Ce texte indique nettement les conditions, le but et la nécessité de l’unité en matière de finances ; il montre en même temps que l’unité doit exister à tous les degrés dans l’exécution et dans le règlement du budget, aussi bien que dans sa préparation. . Rapports de l’unité avec l’équilibre. On n’a donné qu’une idée très incomplète du budget quand on s’est borné à dire qu’il autorisait le gouvernement à faire certaines dépenses et à recouvrer certains produits. Il a sans doute conservé, par certains traits, son caractère originaire de loi de subsides ; c’est ainsi qu’en général il arrête les dépenses de l’État avant de déterminer les voies et moyens destinés à y pourvoir. C’est ainsi encore qu’en Angleterre, la coutume interdit aux représentants de la nation de renchérir sur les demandes du gouvernement, qui reste seul juge des besoins publics. Mais, de nos jours, le budget est avant tout un programme financier il met en parallèle les dépenses qu’il autorise, et les recettes qu’il prévoit, de manière à obtenir et à conserver une égalité aussi complète que possible non seulement dans les probabilités, mais encore dans les résultats effectifs. On peut le comparer à une balance portant les dépenses de l’État dans un de ses plateaux et les recettes dans l’autre. Si les deux plateaux se maintiennent au même niveau, le budget est dit en équilibre ; si la balance penche du côté des recettes, il y a excédent ; si elle penche du côté des dépenses, il y a déficit.

L’excédent est, en principe, un fait anormal, puisqu’il suppose qu’on a prélevé sur le revenu de la nation au delà de ce qu’exigeaient les besoins publics. Le déficit est toujours un malheur, d’abord parce qu’il fait ressortir l’insuffisance des sommes mises en commun par les citoyens ; ensuite, parce qu’il t oblige tôt ou tard à recourir à l’emprunt