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cambistes, de leur permettre d’accumuler Europe. Mais comment pourrait en fournir cambistes, de leur permettre d’accumuler leurs lingots dans les caves de la Banque en échange de billets, d’attendre la hausse de l’or et de vendre alors à la Banque leur or à très haut prix. Les avances sur lingots sont permises par le statut de 1808. En permettant à ceux qui font le commerce de l’or d’apporter ce métal à la Banque, et en leur donnant des billets en échange, on encourage le commerce de l’or en France. D’autre part, ces billets, alors plus recherchés que l’or, peuvent circuler au grand profit des transactions. Lorsque l’or devient très cher, la Banque élève le droit, et à l’instant même il faut que le lingot sorte ; la Banque le restitue à la circulation, on lui restitue ses billets. La Banque fait donc sortir les lingots, par l’élévation du droit, aussitôt qu’elle aperçoit des tendances de hausse et l’utilité de les restituer à la circulation monétaire. La Banque n’achète pas de l’or. Elle en amasse quand il vient au pair : elle prépare l’abondance pour les temps difficiles. L’or est revenu à la Banque lorsqu’il a été plus offert, moins demandé, et l’encaisse qui avait été un moment de 190 millions s’est élevé à 500 millions.

L’orateur aborde maintenant ce qui concerne le placement du capital de la Banque.

Avant la loi de 1857, pourquoi la Banque a-t-elle employé son capital en rentes ? C’est que le comte Mollien, c’est que le gouvernement impérial avaient nettement posé le principe employer ce capital comme garantie et non comme fonds de roulement, comme moyen d’affaires. Il est vrai qu’ils n’ont pas écrit cette obligation dans les lois et les statuts d’alors ; mais c’était leur doctrine bien connue. Aussi l’empereur Napoléon Ier, en diverses circonstances, n’a-t-il pas hésité à provoquer l’immobilisation du capital de la Banque.

Est venue la loi de 1857. Les orateurs du gouvernement ont dit qu’il fallait un capital de garantie ; on a imposé à la Banque l’achat de rentes pour une somme de 100 millions, représentant l’augmentation de son capital. On a confirmé ainsi l’obligation du placement de ce capital dans cette forme et pour ce but.

On n’est pas d’accord sur la nécessité de la mobilisation ou de l’augmentation du capital, ni sur la destination à lui donner. Il y a, dit-on, un emploi rationnel la garantie. C’est le mode d’emploi consacré par le temps et le bon sens.

Tous les critiques croient qu’à l’aide de cette mesure on peut assurer un taux toujours inférieur à celui qui exprimerait le véritable prix du numéraire en France et en Europe. Mais comment pourrait-on fournir l’or au-dessous du taux vrai, en se bornant à déplacer un capital, sans augmenter d’un sou les ressources de la France, et par une sorte d’opération de trésorerie ?

Loin de multiplier ses avances, d’augmenter ses ressources pour ce but qui est dangereux en raison de ce que la spéculation pourrait en abuser, la Banque aime mieux, avec l’obligation imposée par le gouvernement, se tourner vers le commerce et l’industrie. En 1863-64, elle a fait 6 milliards 400 millions d’escompte.

Quant au reproche d’avoir causé volontairement des crises, en haussant mal à propos l’escompte, la Banque de France, qui ne se mêle en quoi que ce soit de l’initiative des e affaires, qui n’est mise en mouvement que é par les opérations d’autrui, qui attend qu’on lui présente les effets, c’est-à-dire les opérations réalisées, ne fait que subir le contrecoup de tout ce grand mouvement commercial et industriel ; elle est l’indicatrice de toutes les perturbations commerciales et monétaires ; elle n’en est pas la cause.

Une crise monétaire peut se produire lorsqu’un pays, frappé considérablement dans sa production territoriale, est obligé à d’énormes sacrifices pour remplacer ce qu’il n’a plus, parce qu’il y a de grands besoins pour lesquels il faut de l’argent pour acheter dans un pays étranger ce dont on manque. Comme on ne peut tout payer avec ses propres marchandises, parce que l’échange ne se fait pas immédiatement ou en quantité suffisante, on est obligé de donner de l’or ou de l’argent comme équivalent de ce qu’on prend.

Quant aux crises commerciales, il y en a qui sont provoquées par un excès de production et de mouvement d’affaires.

Le prix de la matière première augmente, l’échange du produit fabriqué devient difficile ; le prix de cet objet commence à baisser ; on vend à perte ou on arrive au solde monétaire, car le commerçant, lorsqu’il souscrit un billet, « promet de payer en espèces ». Alors les demandes d’escompte augmentent. La Banque reconnaît que l’or vaut plus qu’elle ne le vend, et pour empêcher qu’avec ses billets l’Europe entière ne lui prenne tout son or, marchandise qu’elle vend au-dessous de son cours, elle hausse le taux de l’escompte, pour ne pas être amenée au cours forcé des billets. La Banque n’est que le thermomètre de ces faits auxquels elle est étrangère.

En abattant les barrières douanières, on a établi entre les nations une solidarité qui rendra les crises plus fréquentes. Les affaires se sont augmentées ; on a plus besoin de l’or,