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Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/504

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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

ticuliers, ou à des réunions de particuliers, par le souverain, peuple ou prince, pour fournir aux consommations qu’il juge à propos de faire à leurs dépens : c’est donc un impôt.

Il n’entre point dans le plan de cet ouvrage d’examiner à qui appartient le droit de voter l’impôt. Pour l’économie politique, l’impôt est une chose de fait, et non de droit[1]. Elle en étudie la nature ; elle cherche à découvrir d’où viennent les valeurs dont il se compose, et quels sont ses effets, relativement aux intérêts des particuliers et des nations. Voilà tout.

L’impôt ne consiste pas dans la substance matérielle fournie par le contribuable et reçue par le collecteur, mais dans la valeur de cette substance. Qu’on le lève en argent, en denrées, ou en services personnels, ce sont là des circonstances accidentelles et d’un intérêt secondaire ; car on peut changer, par des achats et par des ventes, des denrées en argent ou de l’argent en denrées ; l’essentiel est la somme de richesses que l’impôt ravit au contribuable, où, si l’on veut, la valeur de ce qu’on lui demande. Telle est la mesure du sacrifice qu’on exige de lui[2]. Du moment que cette valeur est payée par le contribuable, elle est perdue pour lui ; du moment qu’elle est consommée par le gouvernement ou par

  1. Qu’importe, par exemple, que l’impôt soit voté par le peuple ou par ses représentans, s’il y a dans l’état un pouvoir dont les opérations l’ont rendu tellement nécessaire, que le peuple ne puisse faire autrement que de le voter ? Delolme, dans son livre sur la Constitution d’Angleterre, dit que c’est en vain que le roi voudrait faire la guerre, si le peuple ne veut pas voter l’impôt pour la soutenir. Ne peut-on pas dire, à plus juste titre, que c’est en vain que le peuple voudrait refuser l’impôt, si le roi l’a mis dans l’indispensable nécessité de le payer ? La vraie sauvegarde de la liberté anglaise est dans la liberté de la presse, qui est elle-même plutôt fondée sur les habitudes et l’opinion de la nation, que sur la protection des lois : un peuple est libre, parce qu’il veut l’être ; et le plus grand obstacle à la liberté publique, c’est de n’en pas sentir le besoin.
  2. Le traducteur anglais de cet ouvrage observe à ce sujet que l’essentiel est l’objet même que réclame le service de l’état ; un vaisseau de guerre, par exemple, et non la valeur du vaisseau. Cela n’est pas douteux, de même qu’on est fondé à dire que la richesse se compose des objets mêmes qui satisfont à nos besoins, et non de leur valeur, qualité métaphysique incapable par elle-même de satisfaire aucun besoin. Mais quand il s’agit d’apprécier la quotité de l’impôt, il faut bien le mesurer par la valeur des choses dont il réclame le sacrifice, comme, quand il s’agit d’évaluer la richesse, il faut connaître la valeur des choses dont elle se compose.