rouelle[1] sur un support bien graissé et par un vent inconstant ; elle se tourne aussitôt du côté de chaque motif que l'imagination lui représente ; tous les possibles influent sur elle tour à tour ; et l'homme croit à chaque fois qu’il est dans son pouvoir de vouloir telle ou telle chose, et de fixer la girouette en telle ou telle position ; ce qui est une pure illusion. Car son affirmation « je peux vouloir ceci » est en vérité hypothétique, et il doit la compléter en ajoutant : « si je ne préfère telle autre chose. » Mais cette restriction seule suffit pour infirmer l'hypothèse d’un pouvoir absolu du moi sur la volonté. — Reprenons l’exemple de tout à l’heure, notre individu qui délibère à six heures du soir, et figurons-nous qu’il s’aperçoive tout à coup que je me tiens derrière lui, que je philosophe sur son compte, et que je lui conteste la liberté d’accomplir tous les actes qui lui sont possibles ; alors il pourrait facilement arriver que, pour me contredire, il en accomplit un quelconque : mais en ce cas ce serait justement l’expression de mon doute et l’influence qu’elle a exercée sur son esprit de contradiction, qui auraient été les motifs nécessitants de son action[2].
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essai sur le libre arbitre