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essai sur le libre arbitre

sur un billard ne peut entrer en mouvement, avant d’avoir reçu une impulsion, ainsi un homme ne peut se lever de sa chaise, avant qu’un motif ne l’y détermine : mais alors il se lève d’une façon aussi nécessaire et aussi inévitable que la boule se meut après avoir reçu l'impulsion. Et s’attendre à ce qu’un homme agisse de quelque manière, sans qu’aucun intérêt ne l'y sollicite, c’est comme si j’allais m’imaginer qu’un morceau de bois pût se mettre en mouvement pour venir vers moi, sans être tiré par une corde[1]. Celui qui soutenant cette théorie dans une société rencontrerait une contradiction obstinée, se tirerait d’affaire de la façon la plus expéditive en priant un tiers de s’écrier tout à coup d’une voix forte et convaincue : « Le plafond s’écroule ! » et les contradicteurs devraient bien vite se ranger à son opinion, et confesser qu’un motif peut être aussi puissant pour faire fuir des gens hors d’une maison que la cause mécanique la plus efficace.

L’homme, en effet, ainsi que tous les objets de l’expérience, est un phénomène dans l’espace et dans le temps, et comme la loi de la causalité vaut à priori pour tous les phénomènes, et par suite

  1. Toutes les comparaisons de ce genre pèchent par la base : elles reposent sur une confusion systématique entre les causes efficientes et les causes finales. (V. suprà, p. 62)