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essai sur le libre arbitre

donnés, une modification qui est toujours conformé à la nature de cet être, et dont la possibilité devait donc préexister en lui. Par conséquent chaque effet est la résultante de deux facteurs, un intérieur et un extérieur : l’énergie naturelle et originelle de la matière sur laquelle agit la force en question, et la cause déterminante, qui oblige cette énergie à se réaliser, en passant de la puissance à l'acte. Cette énergie primitive est présupposée par toute idée de causalité et par toute explication qui s’y rapporte aussi une explication de ce genre, quelle : qu’elle soit, n’explique jamais tout, mais laisse toujours en dernière analyse quelque chose, d'inexplicable. C’est ce que nous constatons à chaque instant dans la physique et la chimie. L’explication des phéno-

    été admirablement marquée par M. Cousin : « L’homme ne tire point du néant l'action qu’il n’a pas faite encore, et qu’il va faire, il la tire de la puissance très-réelle qu’il a de la faire. La création divine est de la même nature. Dieu en créant l’univers ne le tire pas du néant, qui n’existe pas, qui est un pur mot, il le tire de lui-même, de cette puissance de causation et de création dont nous possédons une faible partie, etc. » (Cours de l'Hist. de la Phil. moderne, t. I, p. 100 sqq.) Ce n’est donc pas sans quelque surprise que nous avons lu ces lignes de M. Vacherot, auxquelles la citation précédente peut servir de réfutation : « Le plus inintelligible des mystères, c’est la création ex nihilo,… Et cela est tout simple : pour qu’une explication, si hypothétique qu'elle soit, devienne intelligible, il faut qu’elle se fonde sur une analogie quelconque. Or il n'est aucune opération… qui puisse éveiller dans l’esprit l'idée de la création ex nihilo. » (Revue des Deux-Mondes du 1er septembre 1876.)