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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

que la ferme confiance que l’on a en ceux qui ont donné des marques incontestables de leur mérite. Et même lorsqu’une pareille confiance nous a trahis une fois, nous ne disons jamais : « le caractère d’un tel a changé », mais : « je me suis abusé sur son compte. » C'est en vertu de ce même principe que lorsque nous voulons juger de la valeur morale d’une action, nous cherchons avant tout à connaître avec certitude le motif qui l'a inspirée, et qu’alors notre louange ou notre blâme ne porte pas sur le motif, mais sur le caractère qui s’est laissé déterminer par lui, en tant que second facteur de cette action, et le seul qui soit inhérent à l'homme. — C’est pourquoi aussi l’honneur véritable (non pas l’honneur chevaleresque, qui est celui des fous), une fois perdu, ne se retrouve jamais, mais que la tache d’une seule action méprisable reste attachée à l’homme, et, comme on dit, le stigmatise. De là le proverbe : « Voleur un jour, volera toujours. » — De même encore, si dans quelque affaire d’État importante il a été jugé nécessaire de recourir à la trahison, et partant de récompenser le traître dont on a employé les services, une fois le but atteint, la prudence commande d’éloigner cet homme, parce que les circonstances peuvent changer, tandis que son caractère ne le peut pas. — Pour le même motif, on sait que le plus grave défaut d’un auteur