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essai sur le libre arbitre

qui est et qui en même temps n’est rien, par conséquent qui n’est pas, — d’où une contradiction manifeste[1].

C’est aux vues exposées ci-dessus, comme aussi à la valeur certaine à priori et par suite absolument générale du principe de causalité, qu’il faut attribuer ce fait, que tous les penseurs vraiment profonds de toutes les époques, quelque différentes que pussent être leurs opinions sur d’autres matières, se sont accordés cependant pour soutenir la nécessité des volitions sous l'influence de motifs, et pour repousser d’une commune voix le libre arbitre. Et même — précisément parce que la grande et incalculable majorité de la multitude, incapable de penser et livrée tout entière à l’apparence et au préjugé, a de tous temps résisté obstinément à cette vérité, — ils se sont complus à la mettre en toute évidence, à l’exagérer même, et à la soutenir par les expressions les plus décidées, sou-

  1. On ne peut songer à discuter ici tout au long cette argumentation très-bien conduite et très-serrée. Nous accordons volontiers à Schopenhauer que nos actes sont la résultante de notre caractère et des motifs, mais, comme l'a très-bien vu Reid, les motifs en eux-mêmes sont quelque chose d’absolument inerte et indéterminé, et toute la force qu’ils possèdent, c’est nous, le sujet, qui la leur donnons. En renonçant à la liberté d’indifférence, il n'est pas impossible d’éviter le déterminisme : et Schopenhauer aurait dû examiner de plus près l'opinion de Leibniz, au lieu de se contenter, en passant, de faire une allusion dédaigneuse à ce remarquable essai de conciliation.