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mes prédécesseurs

même chose, je reviens à notre Père de l’Église. Les raisons par lesquelles saint-Augustin espère écarter la difficulté dont il a déjà pressenti toute la gravité sont théologiques, non philosophiques, et par conséquent n’ont pas une valeur absolue. L’appui de ces mêmes raisons est, comme je l’ai dit plus haut, le troisième motif pour lequel il cherche à défendre la doctrine d’un libre arbitre accordé par Dieu à l’homme. L’hypothèse d’une pareille liberté, s’interposant entre le créateur et les péchés de sa créature, serait véritablement suffisante pour résoudre toute la difficulté ; à la condition toutefois que cette conception, si facile à affirmer en paroles et satisfaisante peut-être pour une pensée qui ne va pas beaucoup plus loin que les mots, pût du moins, quand on la soumet à un examen plus sérieux et plus profond, rester intelligible (pensable). Or comment peut-on se figurer qu’un être dont toute l’existence et toute l’essence sont l’ouvrage d’un autre puisse cependant se déterminer lui-même dès l’origine et dans le principe, et par conséquent être responsable de ses actes ? Le principe operari sequitur esse, c’est-à-dire que les actions de chaque être sont des conséquences nécessaires de son essence, détruit cette supposition, mais lui-même il est inébranlable. Si un homme agit perversement, cela résulte de ce qu’il est pervers. À ce principe se rattache encore le