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essai sur le libre arbitre

véritablement son propre ouvrage, malgré la nécessité avec laquelle elles découlent du caractère empirique, lorsque celui-ci subit l’action des motifs ; parce que ce caractère empirique est simplement l’apparence phénoménale du caractère intelligible, soumis par notre entendement aux formes de l’espace, du temps et de la causalité, c’est-à-dire la manière et l’aspect sous lesquels se présente à notre entendement l’essence propre de notre moi en soi. Il suit de là sans doute que la volonté est libre, mais seulement en elle-même et en dehors du monde des phénomènes. Dans ce monde-ci, au contraire, elle se présente déjà avec un caractère général entièrement fixé d’avance, auquel toutes les actions doivent être conformes ; par suite, lorsqu’elles sont déterminées avec plus de précision encore par l’entrée en jeu des motifs, elles doivent nécessairement se produire de telle ou telle façon, à l’exclusion de toute autre.

Ces considérations nous conduisent, comme il est facile de le voir, à chercher l’œuvre de la liberté humaine, non plus, ainsi que le fait le sens commun du vulgaire, dans nos actions individuelles, mais dans la nature tout entière (existentia et essentia) de l’homme, qui doit être considérée comme un acte libre, se manifestant seulement, — pour un entendement soumis aux formes du temps, de l’espace, et de la causalité, — sous l’apparence d’une multi-