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essai sur le libre arbitre

ou à l’aversion, c’est-à-dire à la volonté prenant conscience d’elle-même en tant qu’elle est satisfaite ou non satisfaite, entravée ou libre : bien plus, cette catégorie comprend même les impressions corporelles, agréables ou douloureuses, et tous les innombrables intermédiaires qui séparent ces deux pôles de la sensibilité ; puisque ce qui fait l’essence de toutes ces affections, c’est qu’elles entrent immédiatement dans le domaine de la conscience en tant que conformes ou non conformes à la volonté. À y regarder de près, on ne peut même prendre immédiatement conscience de son propre corps qu’en tant qu’il est l’organe de la volonté agissant vers le dehors, et le siège de la sensibilité pour des impressions agréables ou douloureuses ; or ces impressions elles-mêmes, comme nous venons de le dire, se ramènent à des affections immédiates de la volonté, qui lui sont tantôt conformes et tantôt contraires[1]. Du reste, on peut indifféremment compter ou ne pas compter parmi les manifestations de la volonté ces sensations simples du plaisir et de la douleur ; il reste en tous cas que ces mille mouvements de la volonté, ces alternatives continuelles du vouloir et du non-vouloir, qui, dans leur flux et dans leur reflux inces-

  1. Ces idées ont été cent fois exprimées par les philosophes français depuis Maine de Biran, avec quelle supériorité de langage, il n’est pas besoin de le dire.