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la volonté devant la conscience

cipes fondamentaux de la raison pure, avec leur application à l’expérience, ne saurait être admise comme possible : la conscience de l’homme ne peut pas être ainsi mensongère et trompeuse. Il faut remarquer à ce propos que la prétendue antinomie kantienne (entre la liberté et la nécessité), n’a pas pour origine, même dans l’esprit de son auteur, la différence des sources d’où découlent la thèse et l’antithèse, l’une émanant du témoignage de la conscience, l’autre du témoignage de l’expérience et de la raison. La thèse et l’antithèse sont toutes deux subtilement déduites de raisons prétendues objectives ; et tandis que la thèse ne repose sur rien, si ce n’est sur la raison paresseuse, c’est-à-dire sur la nécessité de trouver un point fixe dans un recul à l’infini, l’antithèse, au contraire, a véritablement en sa faveur tous les motifs objectifs[1].

  1. Kant, en effet, n’a point dit : Thèse : Le témoignage de la conscience nous affirme notre libre arbitre. Antithèse : Le principe de raison suffisante conduit au déterminisme universel ; — mais bien : Thèse : La causalité d’après les lois naturelles n’est pas la seule dont nous puissions dériver tous les phénomènes ; il est nécessaire d’admettre encore une causalité par la liberté. Preuve. Tout ce qui arrive suppose un état antérieur : or, cet état antérieur doit être lui-même devenu dans le temps (avoir une cause), et ainsi de suite. Si donc tout arrive suivant les seules lois de la nature, il n’y a jamais qu’un commencement relatif, et par conséquent aucune intégralité de la série des causes provenant les unes des autres.) — Antithèse. — Il n’y a pas de liberté, mais tout dans le monde arrive suivant