Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/125

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sujet, c’est-à-dire conditionnellement ; c’est pourquoi elle peut être reconnue aussi bien en partant du sujet, c’est-à-dire a priori, qu’en partant de l’objet, c’est-à-dire a posteriori, ainsi que Kant nous l’a démontré.

Ce qui nous est acquis désormais, après toutes ces recherches, c’est qu’il ne nous suffit pas de savoir que nous avons des représentations, que ces représentations sont telles ou telles, et dépendent de telle ou telle loi, dont l’expression générale est toujours le principe de raison. Nous voulons savoir la signification de ces représentations ; nous demandons si le monde ne les dépasse pas, auquel cas il devrait se présenter à nous comme un vain rêve, ou comme une forme vaporeuse semblable à celle des fantômes ; il ne serait pas digne d’attirer notre attention : Ou bien, au contraire, n’est-il pas quelque chose d’autre que la représentation, quelque chose de plus ; et alors qu’est-il ? Il est évident que ce quelque chose doit être pleinement différent de la représentation, par son essence, et que les formes et les lois de la représentation doivent lui être tout à fait étrangères. Par conséquent, on ne peut partir de la représentation, pour arriver jusqu’à lui, avec le fil conducteur de ces lois, qui ne sont que le lien de l’objet, de la représentation, c’est-à-dire des manifestations du principe de raison.

Nous voyons déjà par là que ce n’est pas du dehors qu’il nous faut partir pour arriver à l’essence des choses ; on aura beau chercher, on n’arrivera qu’à des fantômes ou à des formules ; on sera semblable à quelqu’un qui ferait le tour d’un château, pour en trouver l’entrée, et qui, ne la trouvant pas, dessinerait la façade. C’est cependant le chemin qu’ont suivi tous les philosophes avant moi.


§ 18.


En réalité, il serait impossible de trouver la signification cherchée de ce monde, qui m’apparaît absolument comme ma représentation, ou bien le passage de ce monde, en tant que simple représentation du sujet connaissant, à ce qu’il peut être en dehors de la représentation, si le philosophe lui-même n’était rien de plus que le pur sujet connaissant (une tête d’ange ailée, sans corps). Mais, en fait, il a sa racine dans le monde : en tant qu’individu, il en fait partie ; sa connaissance seule rend possible la représentation du monde entier ; mais cette connaissance même a pour condition