Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/171

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transformer (parce qu’elle a des degrés déterminés de son objectité) en identité des idées particulières dans lesquelles elle apparaît ; si l’attraction chimique ou électrique ne peut jamais se ramener à l’attraction par la pesanteur, même quand on connaît leur profonde analogie, et quoique la première puisse être regardée comme étant la dernière à une puissance supérieure ; de même, quoi que prouve l’analogie de structure, si l’on ne peut confondre et identifier les espèces, expliquer les plus parfaites comme des variétés des moins parfaites ; si, enfin, les fonctions physiologiques ne peuvent jamais se réduire à des processus physiques ou chimiques, on peut cependant considérer comme très vraisemblable tout ce que nous allons dire, pour justifier l’emploi de ce procédé, dans de certaines limites.

Lorsque, parmi les manifestations de la volonté, qui appartiennent aux degrés les plus bas de son objectivation, c’est-à-dire au monde inorganique, quelques-unes entrent en conflit entre elles, parce que chacune s’efforce, — conformément au principe de causalité, — de s’emparer de la matière donnée, il sort de ce conflit le phénomène d’une idée supérieure qui l’emporte sur toutes les autres plus imparfaites qui existaient auparavant, mais de façon à en laisser subsister l’essence en tant que subordonnée, ou à ne s’en approprier que l’analogue : procédé qui n’est compréhensible qu’en vertu de l’identité qui se manifeste dans toutes les idées et en vertu de son aspiration à une objectivation de plus en plus élevée. Nous voyons, par exemple, dans la solidification des os un état évidemment analogue à la cristallisation qui dominait à l’origine dans la chaux, bien que l’ossification ne puisse jamais se ramener à une cristallisation. L’analogie se manifeste plus faiblement dans la solidification des chairs. De même aussi, le mélange des sucs, dans le corps des animaux, ainsi que la sécrétion, sont un état analogue au mélange et à la séparation chimique, car, ici encore, les lois de la chimie agissent toujours, mais subordonnées, modifiées, dominées par une idée supérieure ; aussi les forces chimiques seules, en dehors de l’organisme, ne produisent-elles jamais de pareils sucs ; mais,

Encheiresin naturæ nennt es die Chemie[1] :
Spottet ihrer selbst, uad weiss nicht wie.
__________________________(Faust.)

L’idée plus parfaite qui l’emporte dans ce combat sur les idées inférieures acquiert par là un nouveau caractère, en empruntant

  1. « Mais la chimie appelle cela encheiresis naturæ, sans se douter qu’elle se moque d’elle-même. »