Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/367

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μιουργειν ( « que Jupiter, quand il voulut faire le monde, se changea en amour » ) [Proclus, Comment. au Timée de Platon, liv. III]. — Nous devons depuis peu une étude étendue sur ce point à G.-F. Schœmann, De cupidine cosmogonico[1], 1852. La Maya des Hindous, dont le monde des apparences tout entier n’est que l’œuvre, le tissu, se traduit dans les paraphrases par l’amour.

Les organes virils sont, plus qu’aucun des appareils extérieurs du corps, soumis à la seule volonté, et point à l’intelligence : même la volonté ici se montre presque aussi indépendante de l’intelligence que dans les organes de la vie végétative, de la reproduction partielle, lesquels fonctionnent sur une simple excitation, et où la volonté opère aveuglément, comme dans la nature brute. La génération, en effet, ce n’est que la reproduction non plus partielle mais s’étendant à tout un individu, la nutrition à la seconde puissance, de même que la mort n’est que la sécrétion à la seconde puissance. — Pour tous ces motifs, les organes virils sont le vrai foyer de la volonté, le pôle opposé au cerveau, qui représente l’intelligence, l’autre face du monde, le monde comme représentation. Eux, ils sont le principe conservateur de la vie, et qui lui assure l’infinité du temps ; c’est pour cette propriété qu’ils étaient adorés, chez les Grecs dans le phallus, et chez les Hindous dans le lingam : double symbole, on le voit maintenant, de l’affirmation de la volonté. Au contraire, l’intelligence rend possible la suppression de la volonté, son salut par la liberté, le triomphe sur le monde, l’anéantissement universel.

Déjà au début de ce quatrième livre, nous avons examiné tout au long comment la volonté de vivre, quand elle s’affirme, doit comprendre sa situation à l’égard de la mort : la mort ne lui fait pas obstacle, car elle est déjà enveloppée dans l’idée de la vie et en fait partie, contrebalancée qu’elle s’y trouve par son opposé, la génération, c’est-à-dire la promesse, la garantie, donnée à la volonté de vivre, d’une vie aussi longue que le temps, en dépit de la disparition des individus : vérité que les Hindous exprimèrent en donnant à Siva le lingam. Au même endroit, nous avons expliqué comment l’homme qui avec pleine réflexion prend le parti d’affirmer résolument la vie, peut regarder sans crainte la mort en face. N’y revenons donc pas. Pour la majorité des hommes, sans y bien réfléchir, ils adoptent cette situation, et affirment avec constance la vie. Le monde est là aussi qui reflète cette affirmation, avec ses individus innombrables, dans un temps infini, un espace sans bornes, au milieu de souffrances sans limites, entre la naissance et la mort, dans une chaîne illimitée de générations. — Pourtant de nulle part

  1. « De l’amour générateur du monde. » (Tr.)