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LE DESTIN DE L’INDIVIDU

cun rapport avec n’importe quels dogmes donnés.

— À cette croyance on peut objecter d’abord que, comme toutes les croyances ayant les dieux pour objets, elle n’a pas sa source dans la connaissance, mais dans la volonté ; que c’est avant tout un enfant de notre besoin ; vu que les données que la connaissance aurait pu livrer pour cela se ramèneraient peut-être à ceci, que le hasard, qui nous joue cent mauvais tours et combien pleins de malice, de loin en loin parfois, choisit de nous être agréable ou même à la longue de nous traiter très bien. Dans tous ces cas nous reconnaissons en lui la main de la providence et le plus clairement surtout s’il nous a conduit à bon port contre notre propre volonté ou même par des voies que nous redoutions : c’est alors que nous disons tunc bene navigavi, cum naufragium feci ; et l’opposition entre notre choix et la direction, dont nous avons été l’objet, est alors vivement sentie, tout à l’avantage de cette dernière. C’est justement pour cela aussi que, quand le hasard nous est contraire, nous nous consolons avec le proverbe souvent employé « qui sait à quoi cela est bon ? » — un proverbe qui a proprement sa source dans cette vue de notre esprit que,