Page:Schopenhauer - Mémoires sur les sciences occultes.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
MÉMOIRES SUR LES SCIENCES OCCULTES

s’il est vrai que le hasard domine le monde, l’erreur partage sa royauté ; et que, parce que nous sommes également soumis à l’un et à l’autre, justement peut-être cela est un bonheur, qui nous paraît aujourd’hui un malheur. C’est ainsi que nous allons des coups de l’un des deux tyrans du monde au devant des coups de l’autre, appelant du hasard à l’erreur.

Abstraction faite de cela, cependant, il nous faut prêter au simple et pur hasard, au hasard manifeste une intention ; et c’est là une pensée d’une audace sans pareille. Je crois néanmoins que tout homme, une fois en sa vie, a conçu cette pensée vivement. On la rencontre même chez tous les peuples et parallèlement à toutes les croyances ; quoique principalement chez les mahométans. C’est une pensée qui, suivant qu’on l’interprète d’une façon, ou d’une autre, peut être la plus absurde ou la plus profonde. Aux exemples, qui pourraient lui servir de preuves on peut constamment opposer, quelque frappants qu’ils puissent être parfois, cette objection que ce serait le plus grand des miracles, si le hasard arrangeait bien nos affaires, ou même mieux que n’auraient pu le faire notre intelligence et notre raison.