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LE DESTIN DE L’INDIVIDU

Que tout ce qui arrive, tout sans exception, soit absolument nécessaire, c’est une vérité qui s’offre à nous a priori, donc inébranlable : je veux l’appeler ici le fatalisme démontrable. Dans mon écrit couronné sur la liberté de la volonté (die Freiheit des Willens) (p. 62, 2e édit., p. 60), elle se présente comme le résultat de toutes les recherches précédentes. Elle est confirmée empiriquement et a posteriori par le fait, dont on ne saurait plus douter, que la somnambule magnétique, que les personnes douées du don de seconde vue, que parfois les rêves qu’on a dans le sommeil ordinaire font connaître d’avance avec exactitude et précision l’avenir[1]. Cette théorie

  1. Dans le Times du 2 décembre 1852, on lit le procès-verbal judiciaire suivant : à Newent dans le Glocestershire, une enquête judiciaire fut faite par le Coroner M. Lovegrove relativement au cadavre du nommé Mark Lane, trouvé noyé. Le frère du noyé déclara qu’à la première nouvelle de la disparition de son frère Marc, il a aussitôt répondu : « Alors il est noyé : parce que je l’ai rêvé cette nuit et que, debout dans l’eau profonde, j’étais fatigué à le tirer de là. » — La nuit suivante, il rêva encore que son frère était noyé près de l’écluse d’Oxenhall : il voyait au même endroit une truite dans l’eau. Le matin suivant, il alla, accompagné de son frère, à Oxenhall. Il vit là même, effectivement, une truite dans l’eau. Il fut aussitôt convaincu que son frère devait être là ; et effectivement on trouva le cadavre en cet endroit. — Donc quelque chose d’aussi fugitif que les évolutions d’une truite sur l’eau est vue plusieurs heures d’avance, à la minute près.