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LE DESTIN DE L’INDIVIDU

d’un hasard, de la fatalité extérieure à laquelle on serait redevable d’eux tous. La chose se produisant souvent, on en vient peu à peu à l’opinion, qui souvent se change en conviction, que le cours de la vie de l’individu, si compliqué qu’il soit en apparence, forme un tout ordonné, ayant sa tendance déterminée et sa signification pleine de sens, tout comme l’épopée composée avec le plus de soin[1]. Mais maintenant l’enseignement, qui en résulte pour l’individu, ne se rapporte qu’à sa volonté individuelle — qui, en dernière analyse, est son erreur individuelle. Vu que ce n’est pas dans l’histoire du monde, comme la philosophie du professeur de philosophie l’imagine, qu’on trouve réalisée l’idée d’un plan et d’un ensemble, mais bien dans la vie de l’individu. Les peuples n’existent simplement qu’in abstracto : les individus voilà ce qu’il y a de réel. Par suite, l’histoire générale du monde n’a pas directement de signification métaphysique : ce n’est à proprement parler qu’une simple configuration accidentelle. Je rappelle ici ce que j’ai dit là-dessus dans mon ouvrage die Welt als W. und V, t. I, § 35.

  1. Il y a beaucoup de scènes de notre passé qui, examinées de près, nous paraissent un tout, aussi bien arrangé que pourrait l’être le roman le mieux charpenté.