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MÉMOIRES SUR LES SCIENCES OCCULTES

— Donc, sur ce sujet du destin propre de l’individu, on voit naître, chez beaucoup de personnes, ce fatalisme transcendant auquel donne lieu peut-être chez tout individu, une fois ou l’autre, la considération attentive de sa propre vie, quand elle est suffisamment longue, et qui non seulement est très consolant, mais encore présente beaucoup de vrai. Aussi à toutes les époques en a-t-on fait un dogme[1]. Je veux rapporter ici, parce qu’il le mérite pour sa vérité, le témoignage d’un homme du monde et d’un courtisan expérimenté, avec cela parvenu à l’âge de Nestor, celui de Knebel, âgé de 90 ans, qui dit dans une lettre : « On trouvera, si on examine avec attention, que dans la vie de la plupart des hommes se découvre un certain plan qui,

  1. Ce n’est ni ce que nous faisons, ni les événements de notre vie qui sont notre œuvre : mais ce que personne ne s’avise de prendre pour tel : je veux dire notre nature, notre manière d’être. C’est cette dernière chose et les circonstances et événements extérieurs enchaînés entre eux par la rigoureuse loi de la causalité qui font que nos actions et le cours de notre vie se déroulent avec une parfaite nécessité. Déjà donc dès sa naissance, l’homme a toute son existence irrévocablement déterminée jusque dans le plus petit détail, en sorte qu’une somnambule douée d’une grande clairvoyance, peut la prédire exactement. C’est là, la grande et sûre vérité que nous devrions avoir présente à l’esprit quand nous considérons et jugeons le cours de notre vie, nos actions et nos passions.