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LE DESTIN DE L’INDIVIDU

rection d’un hasard vraiment aveugle qui n’est rien en lui-même, est étranger à toute notion d’ordre et cependant conduit par la main. On est plutôt tenté de croire que — de même qu’il existe certaines images (qu’on appelle des Anamorphoses (Pouillet II, 171) qui, à l’œil nu, ne présentent que des difformités grimaçantes et mutilées, et, vues au contraire dans un miroir conique, sont des figures humaines bien régulières, — de même la conception purement empirique du cours des choses est comme la vue de ces images à l’œil nu. À essayer de voir une intention du destin dans les choses, on ne fait qu’user, au contraire, de ce miroir conique qui introduit la combinaison et l’ordre dans ce qui semblait comme jeté au hasard. Mais à cette vue peut cependant toujours s’opposer la vue contraire que cet ensemble systématique, que nous croyons voir dans les événements de notre vie, n’est que le résultat de l’action inconsciente de notre imagination avide d’ordre et d’unité : une démarche de l’imagination semblable à celle par laquelle, sur un mur couvert de taches, nous découvrons des figures humaines et des groupes plutôt distincts et beaux, tandis qu’en réalité nous ne faisons que mettre de la cohésion et de l’ordre dans