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MÉMOIRES SUR LES SCIENCES OCCULTES

voit partout qu’ils sont pénétrés de cette conviction et ils ont le pressentiment d’une cohésion des choses, mystérieuse et plus profonde que la simple cohésion empirique. De là chez les Grecs cette pluralité de termes pour rendre ce concept : ποτμος, αἰσα, είμαρμενη, πεπρωμενη, μοιρα, Ἀδραστεια, d’autres encore peut-être. Le mot προνοια, au contraire, déforme le concept en mettant à l’origine le νους, la chose secondaire : le concept devient ainsi, il est vrai, simple et compréhensible, mais en même temps superficiel et faux. Le principe de tout cela c’est que nos actions sont le produit nécessaire de deux facteurs : l’un, le caractère, qui reste immuable et qui ne nous est cependant connu qu’a posteriori, c’est-à-dire, peu à peu ; l’autre facteur, ce sont les motifs. Ces motifs sont extérieurs à nous ; ils nous viennent nécessairement du cours des choses, et ils agissent sur le caractère en question, supposé restant toujours le même, avec une nécessité qui équivaut à la nécessité mécanique. Mais le Moi, qui juge ainsi de ce déroulement des choses, est le sujet de la connaissance, étranger comme tel à ces deux facteurs et simple spectateur critique de la manière dont ils agissent. Et il y a lieu, pour lui, parfois de s’étonner.