Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/125

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naient tout autour des têtes chenues des chênes ; le jeune aubier gémissait, le vieux se lamentait ; on entendait geindre l’ancien cœur des arbres et il y en eut qui furent frappés de mort et tombèrent roides, entraînant des morceaux de leur faîte. La chair verte de la forêt gisait tailladée près de ses blessures béantes, et par ces douloureuses meurtrières pénétrait dans ses entrailles d’ombre effarée la lumière horrible du ciel.

Ce soir-là l’enfant vit une chose surprenante. La tempête avait fui plus loin et tout était redevenu muet. On éprouvait une sorte de gloire paisible après un long combat. Comme Alain venait puiser de l’eau dans son écuelle à la mare du rocher, il y aperçut des étincellements qui scintillaient, frissonnaient, semblaient rire dans le miroir rustique d’un rire glacé. D’abord il pensa que c’étaient des points de feu comme ceux qui brillaient au charbon des meules : mais ceux-ci ne lui brûlaient pas les doigts, fuyaient sous sa main quand il tâchait de les prendre, se balançaient çà et là, puis revenaient obstinément scintiller à la même place. C’étaient des feux froids et moqueurs. Et Alain voyait flotter au