Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/234

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le magicien, et le palais viendra dans notre campagne, et tu berceras mon enfant.

— O Marjolaine, épouse Jean ! dit la vieille nourrice.

Marjolaine s’assit et fila. Patiemment elle tourna le fuseau, tordit le chanvre, et le détordit. Les quenouilles s’amincissaient et se regonflaient. Près d’elle Jean vint s’asseoir et l’admira. Mais elle n’y prenait point garde. Car les sept cruches de la grande cheminée étaient pleines de rêves. Pendant le jour elle croyait les entendre gémir ou chanter. Quand elle s’arrêtait de filer, la quenouille ne frémissait plus pour les cruches, et le fuseau cessait de leur prêter ses bruissements.

— O Marjolaine, épouse Jean, lui disait la vieille nourrice tous les soirs.

Mais au milieu de la nuit la rêveuse se levait. Comme Morgiane, elle jetait contre les cruches des grains de sable, pour éveiller les mystères. Et cependant le brigand continuait à dormir ; les fruits précieux ne cliquetaient pas, elle n’entendait pas couler la poudre d’or, ni se froisser l’étoffe des robes, et le sceau de Salomon pesait lourdement sur le prince enfermé.