Page:Schwob - Mœurs des diurnales, 1903.djvu/38

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mais on ne mangeait en cette ville que de l’agneau, du chevreau et « du veau qui se déchiquette et tombe en morceaux quand on y touche ».

Pour tromper sa faim, il « dévorait les journaux » ; les Débats « qui lui coûtaient dix sous par mois » ; il « trouvait le Siècle chez un collègue et suivait assez exactement le Charivari » ; c’était le journal « qui exprimait le mieux ses convictions politiques ». À table, il « remaniait la carte d’Europe entre la pomme et le fromage. Le fromage était excellent ; c’était du roquefort. »

En 1854 il fut « déshonoré » pour avoir mis au bal des « gants de couleur au lieu des gants blancs qu’il avait préparés ». Tous les regards des dames se fixèrent sur ses mains : « il en eut une sueur froide dans le dos ».

Sa disgrâce devint complète pour être allé voir l’inspecteur général « avec une cravate verte et une chemise rayée », et il fut exilé à Grenoble.

La ville lui plut d’abord. Il y trouva des rues « pavées de cette pierre plate chère aux Parisiens », des trottoirs et « la nuit des becs de gaz ». Il y voyait passer « de jolies filles ; et cela lui réjouissait les yeux. »