Page:Scott - Le Pirate, trad. de Defauconpret, Librairie Garnier Frères, 1933.djvu/22

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nonça gravement que Sweyn Érickson avait franchi les bornes en vendant son poisson à un prix si élevé. En conséquence de quoi il exhorta la communauté entière à renoncer à ces exactions, à ne plus demander à l’avenir que vingt-cinq pour cent au-dessus du taux ordinaire. — À ce prix, ajouta-t-il, il ne pourra pas raisonnablement murmurer ; puisqu’il est disposé à ne pas vous faire du mal, il faut s’attendre qu’il le trouvera modéré, et que sans difficulté il vous fera du bien. Vingt-cinq pour cent est un honnête profit, et cette modération vous assurera les bénédictions de Dieu et les bonnes grâces de saint Ronald.

Les dociles habitants d’Iarlshof se réduisirent donc à ne plus tromper M. Mertoun que de vingt-cinq pour cent, taux modéré et raisonnable auquel devraient se soumettre les gens fortunés. Et M. Mertoun ne parut pas éloigné de cette opinion, car il ne s’inquiéta pas davantage des dépenses de sa maison.

Après avoir arrangé leurs propres affaires, les pères conscrits d’Iarlshof prirent en considération celle de Swertha : il leur importait que cette alliée non moins utile qu’expérimentée fût rétablie dans son poste de femme de charge, mais ici leur sagesse fut en défaut. Swertha, en désespoir de cause, eut recours aux bons offices de Mordaunt Mertoun, dont elle avait gagné les bonnes grâces par quelques vieilles ballades norvégiennes et par des contes lugubres sur les trows et les drows (nains des scaldes).

— Swertha, lui dit le jeune homme, je ne puis pour vous que bien peu de chose, mais il vous est facile de faire davantage par vous-même : la colère de mon père ressemble à la fureur de ces antiques champions dont parlent vos chansons.

— Ah ! oui, oui, poisson de mon cœur, lui répondit la vieille d’un ton pathétique,les berserkars sont des champions qui vivaient du temps du bienheureux saint Olave et qui avaient coutume de se précipiter aveuglément sur les épées, les lances, les harpons et les mousquets, de s’en emparer, de les briser avec la même facilité qu’un requin traverserait un filet à harengs ; mais leur accès de fureur passé, ils redevenaient aussi faibles, aussi irrésolus que l’onde.

— C’est ici précisément la même chose, Swertha. Mon père ne songe plus à sa colère quand elle est passée, et en cela il a beaucoup de ressemblance avec un berserkar ; quelque violente qu’elle ait été aujourd’hui, il l’aura oubliée demain. Il ne vous a pas encore remplacée ; depuis votre départ du château, pas un met chaud n’a été préparé, pas un pain mis au four. Je vous garantis, Swertha, que