Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/45

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des Veneurs le Cerf devoit paſſer : de ſorte que c’eſtoit une Chaſſe aſſez tranquile pour les Dames.

Au commencement les Princeſſes & leurs Chaſſeurs, marcherent aſſez prés les uns des autres : mais inſensiblement cette belle & magnifique Troupe ſe prepara par petites bandes : les uns prenant une grande route, & les autres une petite : ſi bien que ſans y ſonger, la Princeſſe ſe trouva dans le plus eſpais du Bois, ſans autre compagnie que celle du Prince Mexaris, Doraliſe, Perinthe, ſes deux Eſcuyers, & moy. Mais à peine s’en fut elle aperçeuë, que nous entendiſmes par le ſon des Cors, & par celuy des voix, que la Chaſſe eſtoit proche : & en effet le Cerf paſſa ſi prés de nous, que ce fut l’inſtant où elle nous donna le plus de plaiſir. Cependant comme il n’eſt rien de plus difficile à un homme qui a quelque paſſion pour la Chaſſe, que de ne la ſuivre pas quand il la voit paſſer : le Prince Mexaris, quelque amoureux qu’il fuſt de la Princeſſe, apres luy avoir demandé permiſſion de ſe trouver à la mort du Cerf, & luy avoir dit qu’il la rejoindroit bientoſt : piqua à travers l’eſpaisseur du Bois, & donna une ſi forte envie de rire à Doraliſe, qu’elle ſe communiqua facilement à Perinthe & à moy, & alla meſme juſques à la Princeſſe. Tout à bon, me dit cette agreable Fille, il faut avoüer que ſi ce Prince n’eſt pas liberal, il eſt du moins bien judicieux aujourd’huy : d’avoir sçeu prendre une occaſion ſi favorable, pour cacher en meſme temps la paſſion qu’il a pour la Princeſſe, & ſa vieille broderie, en s’éloignant comme il a fait. Perinthe, qui par un ſentiment jaloux, eſtoit ravy de la malice de Doraliſe, la continua avec adreſſe ; la Princeſſe faiſant ſemblant de ne nous entendre point ; parce que comme elle eſt