Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/138

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trompez : & qu’infailliblement la Princesse sa fille devoit avoir un fils, qui se rendroit Maistre de toute l’Asie : & par consequent un Fils, qui le renverseroit du Thrône ; qui occuperoit la place de Ciaxare, & qui causeroit enfin, une revolution generale. D’abord, Astiage contre sa coustume, eut peine à se laisser persuader, une chose si peu vray-semblable : & resista long temps aux Mages, dont les secondes Predictions luy estoient en quelque façon suspectes de mensonge, par la fausseté des premieres, que celles-cy destruisoient. Mais ces fascheuses & extravagantes visions, l’ayant persecuté plusieurs nuits de suitte, il commença d’apprehender tout de bon. Neantmoins une semblable chose (quoy que d’assez grande consideration chez les Medes & parmy les Mages, qui croyent que les songes sont les voyes les plus ordinaires, par lesquelles les Dieux se communiquent aux hommes) n’auroit pourtant peut-estre pas obligé Astiage à craindre si fort les malheurs dont il estoit menacé ; s’il n’en fust arrivé d’autres, qui redoublerent sa crainte ; & qui semblerent mesme l’authoriser. La Princesse Mandane qui ne sçavoit rien de ce qui se passoit, estant un soir dans son Cabinet, qui estoit esclairé de plusieurs lampes de Cristal ; on luy vint dire que le Roy son Pere la venoit voir : comme en effet, Astiage avoit resolu de s’entretenir avec elle : pour tascher de trouver quelque soulagement à ses inquietudes, dans la moderation de cette Princesse : qui certainement est la plus vertueuse personne qui sera jamais. Mais à peine estoit il entré dans ce Cabinet, que toutes ces lampes s’esteignirent d’elles mesmes : à la reserve d’une qui estoit droit sur la teste de Mandane : & qui sembla