Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/162

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A ces mots, ce miraculeux Enfant commença de retourner vers ses gens : & Harpage ravy & confus de l’esprit & de la vertu de ce jeune Prince, accepta l’offre qu’il luy avoit faite : & le suplia seulement, de sçavoir la volonté de la Reine sa mere, auparavant qu’il parust à la Cour ; ce que Cyrus luy promit. Ainsi Harpage s’estant separé de luy, se mesla dans la pressé : & Cyrus s’en retourna, sans songer plus à continuer sa Chasse, quoy qu’il en eust eu dessein.

J’avois alors l’honneur d’estre aupres de luy, & d’estre destiné par le Roy & par la Reine, à avoir un soin particulier de sa conduitte : & Feraulas que vous voyez icy, n’estant âgé que de deux ans plus que Cyrus, servoit seulement à ses plaisirs ; comme estant tres propre à le divertir ; & comme l’ayant touché d’une inclination fort estroite. Feraulas donc, qui ne l’abandonnoit presque jamais, s’aperçeut le premier, que Cyrus avoit quelque chose en l’esprit : si bien que s’aprochant de moy, qui n’avois pas pris garde, Seigneur, me dit il, le Prince me semble bien resveur & bien melancolique ; d’où peut venir ce changement ? Je ne sçay, luy dis-je, & je ne voy pas qu’il ait eu nulle avanture fascheuse en cette Chasse. Peut-estre, me dit il, qu’un homme que j’ay veû qui luy a parlé assez long temps en particulier, luy aura apris quelque chose qui le fasche. Comme nous en estions là, Cyrus s’estant aproché de moy ; Chrisante, me dit il, j’ay quelque affaire à vous communiquer. Tous les siens qui l’entendirent s’esloignerent aussi tost de nous ; & le Prince commença de me parler bas. Mais, Seigneur, pour ne vous arrester pas plus long temps sur cét endroit de ma narration, le Prince me dit tout ce qu’Harpage luy avoit dit, & tout ce qu’il luy avoit respondu : & il me le dit avec