Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/215

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n’estoit pas en estat de nous permettre de faire voile si tost. Le lendemain Artamene retourna au Temple de Mars ; & faignant de vouloir s’informer des particularitez du Païs il parla à un des Sacrificateurs : Mais en effet, ce fut pour avoir sujet de luy parler de la Princesse. Ce Mage, qui se trouva estre un homme d’esprit, apres avoir respondu à cent questions indifferentes, que luy fit Artamene ; ne venant pas de luy mesme où il desiroit qu’il vinst ; ce Prince ne sçachant par où commencer à luy parler de Mandane, luy demanda si Ciaxare n’avoit jamais eu d’autres Enfans, que la Princesse sa Fille ? Non, luy dit ce Sacrificateur ; & ce qu’il y a en cela de fort extraordinaire, c’est que tous les Peuples qui ont accoustumé de desirer plus tost un Roy qu’une Reine ; ont cessé d’avoir cette fantaisie, depuis que la Princesse Mandane a esté en âge de raison. Car, adjousta t’il, sa vertu a paru avec tant d’éclat, aux yeux de ces Peuples ; que quand la chose seroit à leur choix, ils ne voudroient pas changer cette Reine pour un Roy. Artamene ravi d’entendre parler ce Mage de cette sorte, luy dit que si la beauté de l’ame de cette Princesse, respondoit à celle du corps, il faloit sans doute qu’elle fust admirable en toutes choses. Plus encore mille fois, luy respondit le Sacrificateur, que vous ne pouvez vous l’imaginer : car enfin elle possede la beauté sans affectation & sans vanité : elle est prés du Thrône sans orgueil : elle voit les malheurs d’autruy avec compassion : elle les soulage avec vonté : & ceux qui l’approchent plus souvent que je ne fais, disent qu’elle à des charmes inevitables dans sa conversation. Pour moy qui ne puis & qui ne dois parler, que des sentimens