Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/216

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de pieté, qu’elle tesmoigne avoir envers les Dieux, je puis assurer, qu’il n’y a pas au monde une Personne plus vertueuse qu’elle, ny plus esclairée en toutes les choses qui peuvent estre comprises par l’esprit humain. En un mot, adjousta ce Mage, elle est la gloire de son Sexe, & presque la honte du nostre : tant il est vray qu’elle est au dessus de tout ce qu’il y a de Grand sur la Terre. Je vous laisse à juger. Seigneur, si l’amoureux Artamene avoit une joye bien sensible, d’aprendre qu’il ne s’estoit pas trompé ; & si sa passion n’en augmenta pas encore : il me regarda plusieurs fois pendant le discours de ce Sacrificateur : comme pour se resjouïr avec moy, de trouver une si puissante excuse à sa foiblesse. Mais comme il ne se lassoit pas d’une conversation qui luy estoit si agreable ; pour la faire durer plus long temps, il demanda encore à ce Mage, si elle venoit souvent à leur Temple ? Quand elle est à Sinope, luy respondit il, elle y vient presque tous les jours : mais du moins ne pouvons nous pas manquer de la voir tous les ans à pareil jour que celuy d’hier : car elle y vient tousjours avec le Roy, pour y remercier les Dieux, de la mort d’un jeune Prince qui eust usurpé toute l’Asie s’il eust vescu. Elle haït donc bien sa memoire ; (interrompit Artamene en changeant de couleur) & elle est bien aise de la mort de celuy, qui l’auroit, dit on, empeschée d’estre Reine de tant de Royaumes. Je n’ay pas remarqué ce sentiment là dans son esprit, reprit le Sacrificateur ; & je la croy trop sage pour porter sa haine au delà du Tombeau : ny mesme pour haïr un homme qu’elle n’a pas connu, & que l’on disoit estre fort accompli. Elle est trop sçavante, adjousta t’il, dans les choses de la Religion,