Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/219

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Et comme il s’estoit enfin resolu, de ne cacher plus ses sentimens, ny à Feraulas, ny à moy, parce qu’il ne pouvoit recevoir assistance que de nous ; aussi tost que nous fusmes en liberté, fut il jamais, nous dit il, rien de comparable à la bizarrerie de mon destin ? Et ne diroit on pas, que les Dieux ont resolu, de me faire esprouver en un seul jour, toutes les passions les plus violentes ? A peine ay-je de l’amour, que j’ay desja de la jalousie : je n’apprens pas plustost, que Mandane a autant d’esprit que de beauté, que j’apprens que cét Esprit, & cette beauté, luy ont acquis le cœur d’un Prince ; & d’un excellent Prince, que la seule coustume de Capadoce a fait refuser. Mais qui sçait si cette Princesse ne desaprouve point cette coustume dans son cœur ? & si je n’aime point une Personne, de qui l’ame est preoccupée ? Mais helas, disoit-il, cette coustume qui me met un peu de seureté du Roy de Pont, me desespere pour moy mesme ! Car s’il est Estranger, je le suis aussi : & par cette raison, & par beaucoup d’autres, je n’y dois jamais rien pretendre. Seigneur, luy dis-je, si toutes les difficultez que vous pouvez imaginer, vous peuvent faire changer de dessein, figurez les vous encore plus grandes mille fois que vous ne faites ; j’y consens de fort bon cœur : mais si cela n’est pas, ne vous inquietez point sans sujet : & ne vous formez pas vous mesme des Monstrres pour les combattre, & peut-estre pour en estre vaincu. Non Chrisante, me respondit il, n’esperez jamais de me voir changer de resolution : principalement aujourd’huy, que je puis satisfaire tout ensemble, le desir que j’ay pour la Gloire, & la passion que j’ay pour Mandane. Car enfin, puis que je trouve la guerre en Capadoce je n’ay que faire de l’aller chercher