Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/220

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dans Ephese. Mais Seigneur, luy dis-je, s’il arrivoit que vous fussiez connu, en quel peril ne vous exposeriez vous pas ? Ce n’est point par la consideration du peril, reprit Artamene, que l’on me peut faire changer de resolution : au contraire, toutes les entreprises dangereuses, sont celles que je dois chercher avec le plus de soin. Cependant pour vous mettre en repos, me dit il, sçachez que je suis resolu de faire de si belles choses en cette guerre sous le Nom d’Artamene, qu’apres cela, Cyrus pourra mesme sortir du Tombeau, sans devoir craindre d’y rentrer. Mais Seigneur, luy dis-je, puis que le Roy vostre Pere, & la Reine vostre Mere vous croyent mort, n’y aura-t’il point quelque inhumanité, de les laisser dans une creance, qui sans doute les afflige infiniment ? Et quoy Chrisante, me dit alors le Prince, ne croyez vous pas aussi bien que moy, que ce bruit de ma mort, n’aura esté qu’une adresse de la Reine ma Mere ? qui pour empescher qu’Astiage ne me fist chercher par toute la Terre, aura enfin apris sa cruauté à Cambise ; de son consentement aura fait semer cette fausse nouvelle ; & l’aura peut-estre elle mesme fait donner à Astiage, comme si elle estoit veritable. Ainsi la raison dont vous me voulez combattre, est trop foible pour me vaincre, & pour me faire changer de resolution. Il est certain que je trouvois quelque apparence à ce que le Prince disoit : ne pouvant m’imaginer, par quelle autre voye ce bruit de naufrage auroit pû estre si universel. Neantmoins je ne laissay pas tout de nouveau, de luy vouloir persuader, de se deffaire de sa passion : de vouloir s’esloigner d’une Cour, si dangereuse pour luy : & de vouloir donner au Roy son Pere, & à la Reine sa Mere, quelque certitude de sa vie.