Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/283

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y laiſſer des Gardees, ce qui luy fut accordé. Pendant toutes ces conteſtation, comme j’avois bien preveû, que quoy qu’il en arrivaſt, il faudroit touſjours faire remporter Artamene ; j’avois envoyé à la Ville, pour avoir une Lictiere. La Princeſſe l’ayant sçeu, envoya la ſienne : dont mon Maiſtre, comme voſtre Majeſté peut juger, ne luy fut pas mediocrement obligé. Tous ces Princes eſtant donc partis, apres avoir donné l’ordre neceſſaire pour faire enterrer les morts ſur le champ de Bataille, tant d’un coſté que de l’autre, avec de belles pompes funebres : nous voulûmes Feraulas & moy, mener Artamene à une Maiſon de la Ville, où nous avions logé durant quelques jours : mais Ciaxare ne le voulut pas, & le fit conduire dans le Chaſteau.

Tous les Medecins, & tous les Chirurgiens du Roy, furent au meſme inſtant dans ſa Chambre : & apres avoir viſité huit grandes bleſſures qu’il avoit, & y avoir mis le premier appareil ; ils raporterent au Roy, qu’il n’y en avoit aucune qui fuſt abſolument mortelle ; quoy qu’il y en euſt deux aſſez dangereuſes : Et qu’ainſi il faloit eſperer de leurs ſoings, du regime du malade, & de la force de la Nature, un heureux ſuccés à ſon mal. La Princeſſe envoya auſſi pluſieurs fois dés ce premier ſoir là, s’informer de l’eſtat où eſtoit Artamene : ce qu’ayant entendu à la derniere, quoy que celuy qu’elle envoyoit parlaſt fort bas, les Medecins ayant deffendu qu’on ne luy fiſt aucun bruit ; il l’appella, & voulut recevoir luy meſme, le compliment de la Princeſſe. Apres qu’il l’eut reçeu, il tourna foiblement la teſte du coſté de celuy qui luy avoit parlé ; & hauſſant un coing d’un Pavillon de drap d’or qui couvroit ſon lict. Vous direz, luy dit il, à la Princeſſe, que je