Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/284

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luy demande pardon, d’avoir ſi mal combatu ſes ennemis : & d’avoir remporté une Victoire, qui peut encore eſtre miſe en doute. Si je meurs j’eſpere qu’elle me le pardonnera : & ſi j’eſchape, j’eſpere auſſi de reparer cette faute, par quelque action plus heureuſe. Rendez-luy graces tres-humbles pour moy, de l’honneur de ſon ſouvenir : & l’aſſeurez que ſa bonté n’a pas obligé une ame ingrate. Cependant, la fiévre luy prit ſi violente, que je creus qu’il eſtoit perdu : je ne vous sçaurois exprimer, quels furent les ſoings que Ciaxare & la Princeſſe ſa fille eurent de luy ; ſi je ne vous dis que Ciaxare fit pour Artamene, tout ce qu’il euſt pû faire, ſi Mandane euſt eſté malade : & que Mandane auſſi, ne fut guere moins ſoigneuse, que ſi Ciaxare euſt eſté bleſſé. Apres que le peril où nous avions veû Artamene, fut un peu diminué ; je ne pouvois pas m’empeſcher, de penſer aſſez ſouvent à la bizarrerie de ſon deſtin : qui faiſoit que ce meſme Prince, qui offroit des Sacrifices pour remercier les Dieux de ſa mort ; eſtoit occupé avec tant d’empreſſement, à luy conſerver la vie. Nous euſmes enfin la ſatisfaction de voir, que tant de ſoins ne furent pas inutiles : & le vingtieſme jour, les Medecins reſpondirent de ſon falut : & promirent meſme une gueriſon aſſez prompte à ſes bleſſures. Auſſi toſt qu’il fut permis de le voir, toute la Cour & toute l’Armée le viſita : Aribée tout Favory qu’il eſtoit, y fut pluſieurs fois : Philidaſpe malgré cette ambitieuſe jalouſie, que la valeur d’Artamene luy donnoit, ne manqua pas de luy rendre cette civilité : & le Roy qui le voyoit preſque tous les jours, y mena la Princeſſe ſa fille par deux fois. Cela fit un effet merveilleux en Artamene : eſtant