Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/337

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pour moy : mais je la supplie de me pardonner, si je luy desobeïs en cette occasion. Estant bien resolu, de m’esloigner d’elle le plus qu’il me sera possible en cette Journée : n’estant pas juste que je l’expose à la fureur de quarante hommes tout à la fois : qui pourroient peut-estre me blesser plus dangereusement en sa personne qu’en la mienne. Combatez donc, luy repliqua le Roy, avec des armes toutes simples : car encore que vous l’ayez mandé autrement, vous l’avez mandé sans que j’y aye consenty : & je dois estre le Maistre dans mes Estats & dans mon Armée. Il est vray, Seigneur, reprit Artamene ; mais la generosité doit estre la Maistresse de toutes vos actions : & par consequent elle ne me commandera pas de faire une chose qui me deshonoreroit. Le Roy voyant qu’Artamene ne se vouloit pas rendre ; je vous le laisse ma Fille, dit il à la Princesse : combattez-le, & surmontez-le, si vous pouvez, & si vous voulez m’obliger. En disant cela le Roy embrassa la Princesse & sortit de sa Chambre, jusques à la porte de laquelle elle fut l’accompagner. Artamene fut donc obligé de tarder un peu apres luy : & comme la Princesse revenuë d’accompagner le Roy son Pere, qu’elle n’avoit pas pû quitter sans larmes ; Artamene qui luy avoit donné la main, voulut prendre congé d’elle : mais le retenant de fort bonne grace, Artamene, luy dit-elle, craint-il si fort d’estre vaincu par mes prieres, qu’il veüille partir avec tant de precipitation ? Vous estes redoutable en toutes façons Madame, luy respondit mon Maistre ; & je dois me défier de ma propre generosité contre vous. Je n’ay pas dessein, repliqua-t’elle, de vous persuader de n’estre plus genereux :