Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/338

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mais je voudrois bien s’il estoit possible, vous obliger à n’exposer pas sans sujet, une vie aussi glorieuse que la vostre, & qui a esté si utile au Roy mon Pere. Vous sçavez, adjousta-t’elle, que la raison doit donner des bornes à toutes choses ; & que la valeur a les siennes, au delà desquelles l’on peut estre soubçonné de temerité, plus tost que loüé de veritable courage. Je pense, Madame, interrompit Artamene, qu’il vaut encore mieux à un homme de mon âge, aller un peu au delà des bornes que l’exacte sagesse luy prescrit, que de demeurer au deça : & que l’excéz en cette rencontre, vaut toujours mieux que le deffaut. Vous avez raison, repliqua la Princesse, mais je voudrois qu’Artamene ne fust ny trop prudent, ny trop hardy : il n’est pas possible, Madame, interrompit il de nouveau, que je puisse regler mes sentimens, à cette juste mediocrité, que vous desirez de moy : Et dans le choix de ces deux extremitez, je vous supplie tres-humblement, de me permettre d’aller tousjours plustost vers celle qui du moins peut faire trouver la Gloire en son chemin : que non pas vers l’autre, qui ne la peut jamais faire rencontrer. Il y en a pourtant quelquefois beaucoup, interrompit la Princesse, à se surmonter soy mesme : ouy Madame, respondit Artamene, pourveû que cette Victoire ne nous rende pas indignes de vaincre les autres. Mais enfin, adjousta Mandane, je ne vous demande pas, que vous ne combatiez point : & je voudrois seulement, que vous voulussiez ne porter pas ces Armes si remarquables, à la premiere Bataille. Vous pouvez Madame, repliqua mon Maistre, commander les choses du monde les plus difficiles à Artamene, sans craindre d’estre desobeïe : mais pour celle-là, il ne sçauroit suivre