Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/349

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pas peut-estre si facilement de ceux qui vous attaquent, que j’ay eschapé de ceux qui m’ont attaqué : c’est pourquoy ne vous obstinez pas à combattre contre des gens ausquels je ne puis pas commander absolument, pour vous tenir ma parole, puis que le Roy que je sers, est en personne dans son Armée. Mais rendez vous ; ou combatez moy en particulier, je vous donne le choix des deux. A ces mots, qui ravirent d’admiration le Roy de Pont ; & qui surprirent fort Philidaspe ; le premier voulut repartir, lors que cent chevaux des siens qui le cherchoient, s’estant r’alliez, & l’ayant reconnu, vinrent pour charger ceux qui l’avoient enveloppé : Mais luy qui vit qu’il ne pouvoit combattre Philidaspe, qui luy avoit pensé oster la vie, sans combattre aussi Artamene, qui la luy avoit conservée ; ne songea qu’à se retirer, avec assez de diligence. Un evenement si peu attendu, surprit autant Philidaspe, que vous pouvez vous l’imaginer : neantmoins un moment apres, estant revenu de son estonnement, sans songer à suivre le Roy de Pont ; & se tournant brusquement vers Artamene, Vous voulez donc, luy dit il, qu’il n’y ait que vous qui triomphe ? & non content de vos propres victoires, vous voulez encore dérober celles des autres. Artamene le regardant assez fierement, c’est à ceux, luy respondit il, qui se servent de la valeur d’autruy, pour vaincre un Prince abandonné des siens, qu’il faudroit reprocher de vouloir dérober la Victoire : & non pas à Artamene, qui n’employe que son propre bras pour la remporter : & qui laissant tout le butin aux Soldats, les apelle peu souvent, au partage du peril. Ceux que la Fortune favorise repliqua Philidaspe,