Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/350

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n’ont besoin d’apeller personne à leur secours : Ceux qui se fient à leur courage, respondit Artamene, n’invoquent point la puissance de la Fortune. Il faut bien pourtant, qu’elle vous ait secouru en cette journée, reprit Philidaspe ; & il faut bien qu’elle vous ait abandonné, repliqua Artamene, pour avoir eu besoin d’estre assisté de douze ou quinze, pour attaquer un Prince seul, & las de combattre. Il vous est facile, respondit Philidaspe, de trouver tout aisé à vaincre, vous qui n’avez à combattre que des lasches, & de simples Chevaliers. Il vous est encore plus facile, reprit Artamene, de vaincre des Rois abandonnez, & de les faire succomber sous le nombre : mais il ne vous le sera peut-estre pas tant, adjousta t’il, en haussant la voix, de vaincre Artamene tout seul, quand vous luy donnerez l’occasion de vous combattre. Il vous la demande ; & ce sera demain au matin si vous le voulez. Il ne faut pas attendre si long temps, repliqua fort haut Philidaspe ; & alors haussant le bras, il se mit en estat de vouloir attaquer Artamene, qui de son costé s’avança fierement sur luy ; & luy porta un grand coup d’espée, qui l’eust sans doute fort blessé, si la main ne luy eust tourné, & si ce coup n’eust glissé sur ses Armes. Enfin, malgré nous qui taschions de les separer ; ils sentirent chacun plus d’une fois & la pesanteur de leurs coups, & la force de leur bras. Mais, Seigneur, admirez je vous prie, ce que peut la vertu, & la veritable valeur ; nous n’estions que quatre avec Artamene, & ils estoient douze ou quinze avec Philidaspe :

Cependant au mesme instant qu’ils virent la dispute qui estoit entre eux, ceux qui l’avoient suivy contre le Roy de Pont, l’abandonnerent contre mon Maistre, & se rangerent de son Party.