Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/353

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Tente) que Philidaspe qui ne peut avoir nulle haine particuliere contre le Roy de Pont, si ce n’est qu’il soit son Rival, ait pû se resoudre de le faire tuer si cruellement comme il s’y preparoit ; luy qui est brave & genereux, & qui semble estre piqué d’un veritable desir de gloire ? Ha ! non non Chrisante, me disoit il, Philidaspe aime Mandane, si je ne suis le plus trompé de tous les hommes. Ainsi, Seigneur, une mesme action faisoit differens effets : car Philidaspe croyoit qu’Artamene n’aimoit point, parce qu’il avoit voulu sauver le Roy de Pont : & Artamene croyoit au contraire que Philidaspe aimoit, parce qu’il avoit voulu perdre ce Prince, d’une maniére si peu genereuse. Toutefois toutes ces diverses opinions, estoient si chancelantes, si incertaines, & appuyées sur des conjectures si foibles, qu’ils ne pouvoient s’y asseurer : & il n’y avoit rien de constrant dans leur esprit, que l’invincible aversion, qu’ils avoient tous deux l’un pour l’autre.

Cependant deux ou trois jours apres la Bataille, Ciaxare tint Conseil de Guerre, pour s avoir si l’on poursuivoit les Ennemis qui s’estoient retirez, & que l’on sçavoit qui attendoient un puissant secours : il fut alors resolu pour les embarrasser davantage, de separer l’Armée : & d’envoyer assieger une place de Bythinie, qui est scituée au bord d’un grand Lac : & par ce moyen, faire une puissante diversion, des forces qu’ils attendoient. Que cependant, la partie la plus considerable de l’Armée, demeureroit pour observer la contenance de l’Ennemy, lors qu’il se seroit r’allié, & pour agir selon qu’il agiroit. La chose ayant esté resoluë de cette façon, Ciaxare qui se trouvoit un peu mal, s’en retourna dans Anise : & laissa Artamene