Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/354

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Lieutenant General de l’Armée qui devoit tenir la Campagne : Aribée le suivant, & envoyant Philidaspe assieger cette Ville dont j’ay desja parlé, avec le reste des Troupes. Ces deux Rivaux par le caprice de leur passion, n’estoient pas contents de leur employ : Philidaspe trouvoit qu’Artamene demeurant en estat de pouvoir combattre le Roy de Pont, avoit de l’advantage sur luy : & Artamene s’imaginoit, que la prise d’une Ville importante, estoit quelque chose de plus, que le gain d’une Bataille : parce, disoit il, que l’une fait avoir qualité de Conquerant, & de Vainqueur tout ensemble ; au lieu que l’autre ne donne d’ordinaire que la derniere. Il adjoustoit qu’apres la victoire, l’un se trouve en possession d’une Place considerable, & que l’autre n’a que le simple Champ de Bataille, sans avoir quelquefois nul advantage d’avoir vaincu. Mais enfin il falut qu’ils se contentassent : Philidaspe partit avec seize mille hommes, & Artamene demeura avec trente mille : le Roy ne remenant avec luy, que ce qui estoit absolument necessaire pour sa Garde. Mon Maistre avoit esté si legerement blessé à la derniere Bataille, qu’il n’en garda le lit qu’un jour seulement : ces deux Rivaux se separant en presence du Roy, se souhaiterent en apparence, toute sorte de bonheur : mais en effet ils se regarderent avec aversion, si ce ne fut avec une haine formée. Le lendemain que le Roy fut party, & qu’il eut laissé le commandement de l’Armée à mon Maistre malgré la resistance qu’y fit Aribée ; il y eut deux des prisonniers que l’on avoit faits à la Bataille, dont l’un estoit fort blessé, qui demanderent à parler à Artamene, pour une chose importante : mon Maistre en estant adverty, fut à l’instant mesme à la