Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/360

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à la clemence de l’offensé que l’on a desja esprouvée : & demander de nouveau pardon, quand l’on ne peut demander justice, qu’en demandant chastiment. C’est craindre la honte d’une estrangge maniere, respondit Artamene, que de se deshonnorer, de peur d’estre deshonnoré : Non non Artane, vostre passion vous avoit fait esgarer : & ce n’est nullement par le chemin que vous aviez pris, que l’on peut rencontrer la gloire. Je sçay sans doute un peu mieux que vous, par quels sentiers on la peut trouver : c’est pourquoy souffrez aujourd’huy que je sois vostre Guide : & que je vous aprenne sans colere & sans reproche ; que pour faire oublier vos fautes passées, il n’en faloit point commettre de nouvelles : & que si vous avez dessein d’effacer de la memoire des hommes, le souvenir d’une action ou de deux, qui n’ont peut-estre pas esté fort genereuses ; il en faut faire cent de vertu & de courage ; & non pas en adjouster de pires aux mauvaises. C’est pour cela Artane, que je vay vous renvoyer au Roy vostre Maistre : à ces mots, Artane changea de couleur : & l’on vit bien qu’il eust presques mieux aimé demeurer entre les mains de celuy à qui il avoit voulu desrober la Victoire ; & à qui il avoit en suite voulu faire perdre la vie ; que de retourner aupres du Roy de Pont. De sorte que comme Artamene le remarqua, ne craignez rien, luy dit il, Artane : je ne vous rendray pas, sans mettre vostre vie en seureté : car si je vous la voulois faire perdre, je n’aurois pas besoin de vous envoyer à un autre pour vous punir. A juger de l’advenir par le passé, il y a veritablement peu d’espoir, que vous deveniez plus raisonnable : & à en juger mesme par le present, il est facile de