Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/402

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Andramias qui commandoit à ceux qui le gardoient, estoit proche parent d’Aglatidas, qui avoit une amitié si particuliere & si desmesurée pour Artamene, qu’il n’est rien qu’il n’eust esté capable de faire pour le delivrer. Andramias outre l’alliance qui estoit entr’eux, luy avoit beaucoup d’obligation : si bien qu’il luy fut fort aisé, de l’obliger à luy donner la permission de voir Artamene. Il fut donc un soir comme tout le monde fut retiré, le visiter dans sa chambre, & luy offrir tout ce qu’il pouvoit. Il voulut mesme luy parler de quelques moyens qu’il avoit imaginez, pour faciliter sa fuite s’il le vouloit : Mais Artamene apres l’en avoir remercié fort civilement, l’assura qu’il ne sortiroit, jamais de sa Prison, que par la mesme main qui l’y avoit mis. Il luy dit encore, que les Criminels faisoient bien de rompre leurs liens : mais que les innocens devoient attendre que l’on desnoüast les leurs sans violence. Qu’ainsi il le conjuroit de se mettre en repos de ce costé là : & de ne s’exposer pas pour l’amour de luy, à la colere du Roy. Que ce n’estoit pas qu’il n’eust eu beaucoup de consolation de le voir quelquesfois : & d’autant plus, que la melancolie qui paroissoit tousjours en son esprit, s’accommodoit assez à sa fortune presente : mais qu’enfin il n’estoit pas juste qu’il se mist en un si grand peril à sa consideration. Aglatidas respondit alors à Artamene, que la vie ne luy estoit pas si agreable, qu’il deust craindre d’exposer la sienne : & que mesme en cette occasion, il ne se hazardoit point du tout : parce qu’outre que le Roy n’avoit pas precisément deffendu de le laisser voir ; Andramias estant son Amy, son Parent, & son obligé ; ce n’estoit pas une chose fort extraordinaire, qu’il le visitast souvent.