Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/403

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Et que comme sa chambre estoit engagée dans celle d’Andramias, & par consequent separée de celle de ses Gardes ; il pouvoit sans doute le visiter tant qu’il voudroit sans qu’ils s’en aperçeussent : & luy donner du moins cette foible consolation d’avoir quelqu’un aupres de luy, qui peust l’aider à se pleindre de son malheur. Artamene s’en défendit autant qu’il pût : mais Aglatidas fut si pressant, qu’enfin il fut contraint de luy permettre d’aller passer tous les soirs dans sa chambre. Jamais personne n’eust pû estre plus propre qu’Aglatidas, à consoler un malheureux : qui ne trouve rien de plus capable d’irriter sa douleur, que la joye qu’il voit sur le visage de ceux qui l’approchent. Un soir donc que cét illustre melancolique, estoit aupres d’Artamene : & qu’apres avoir long temps parlé de l’inconstrance de la Fortune, & de toutes les miseres de la vie, ils eurent observé l’un & l’autre un assez long silence : Aglatidas qui voulut luy donner quelque legere consolation, & qui ne sçavoit rien de son amour, commença de luy parler de cette sorte. Seigneur, luy dit-il, je vous voy sans doute bien malheureux : Mais apres tout, vous ne l’estes pas le plus qu’on le peut estre. La Grandeur que vous semblez avoir perduë, se peut recouvrer facilement : & l’on passe assez souvent, du Thrône dans la Prison, & de la Prison sur le Thrône. Enfin il est des malheurs moins éclatans, qui sont encore plus sensibles : & qui sont d’autant plus insuportables qu’ils sont plus secrets. Vous avez du moins ce triste soulagement, adjousta-t’il, que tout le monde vous plaint : car ces grandes chuttes telles que la vostre, ne manquent gueres d’attirer la compassion de tous les honnestes gens. Où au contraire, il est